L'Éphémère
Il en va des mots comme des chansons d’amour qui reviennent par surprise au détour d’une voix, d’un souvenir, d’une émotion. « J’ai pris la main d’une éphémère… » dansait dans ma mémoire. Sans que je sache qui le premier, de Montand ou Ferré, avait semé ce trouble de l’étrangère en moi. Adolescents nous ne comprenions pas tout à cette romance des années folles, ni même à ce poème que l’on disait roman inachevé, mais pressentions ce mystère de « l’éternelle poésie » qu’Aragon dilapidait sans crier gare.
Une seule et unique voyelle, quatre fois invoquée, entre la fièvre, le murmure, la foudre, l’imaginaire, l’insaisissable, l’à-venir, l’impensé, le maternel, le fugace, la soif, l’énigme, le précaire, l’effervescence, le friable, l’envol, l’impermanence…
Plus vaste que l’antique Carpe Diem et plus vital aussi, L’éphémère n’est pas qu’un
adjectif de peu d’espoir. C’est un surcroît d’urgence, de chance et de vérité.
Une prise de conscience toute personnelle et cependant universelle, comme un
quatrain d’Omar Khayyam, un haïku d’hiver, un coquelicot soudain, une falaise à
soi, un solstice d’été, un arbre déraciné ou la vingtaine de numéros d’une
revue de poètes du siècle dernier.
Il est temps, il est temps de sonder à nouveau L’é—phé—mère. De ne pas attendre à demain. De questionner ici
et maintenant la part la plus fragile, la plus secrète, la plus inouïe de nos
existences.
Seul l’éphémère dure… Eugène Ionesco
Je suis un convalescent du Moment… Fernando Pessoa
Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie… Ronsard
Aimer, par tous ses sens l’éphémère… Jean-Bertrand Pontalis
Notre place au soleil est toujours éphémère… Claire Marin
La politique c’est éphémère mais une équation est éternelle… Albert Einstein
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